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Peut-on aimer quelqu'un que l'on ne considère pas comme son enfant ? Quelqu'un né d'une erreur, qui n'aurait jamais du voir le jour ? Auquel cas, peut-on vraiment appeler ça de l'amour ? Yuri Shou n'a jamais été dans ce cas particulier. Mais alors quel rapport ? Il est né sur l'île d'Okinawa. Le jour, ou plutôt la nuit de sa naissance n'avait rien de bien particulier : la voûte était comme toujours durant ces nuits, étoilée et la douce brise d'été qui soufflait elle, était agréable. Dehors, des enfants jouaient encore malgré l'heure tardive et des gens se promenaient sur la plage, admirant les astres lumineux. Mais ce ne sont que des détails, car de toute façon, comment cela aurait-il pu intéresser un bambin tout juste sorti du ventre de sa très chère maman et dont le seul souci était de vivre dans un nouveau monde, dans lequel il n'était même pas le fruit d'un amour. Ses parents unis d'un mariage d'intérêt n'avaient pas vraiment appris à s'aimer avec le temps : comment peut-on aimer quelqu'un que l'on ne voit que très rarement ? Alors pourquoi un enfant ? Pour l'héritage bien sûr, après tout, il était hors de question de le laisser aux nombreux cousins, de plus, qui reprendrait la compagnie après ? Sûrement pas les autres membres de la famille dans lequel les parents n'avaient pas confiance. En conséquent, le moyen le plus sûr de confier l'entreprise entre de bonnes mains était de faire un enfant qui élevé par leurs soins s'en occuperait et bien sûr d'eux aussi quand viendrait le temps de leur retraire. Et voilà comment était arrivé sur ce monde Yuri Shou qui n'était ni aimé ni détesté par ses géniteurs.

Ses premiers mois se passèrent sans problèmes, dans les bras d'une nourrice. Après tout, son éducation ne commencerait que dans quelques années, alors pourquoi s'encombrer d'un bébé brailleur alors que l'appel de boutiques résonnaient dans les oreilles de sa maman qui avait bien trop d'argent pour se rendre compte que ce qu'elle dépensait en même pas trois jours, permettrait à des tas de gens de vivre dans le confort durant au moins trois mois. Forcément, quand on a de l'argent, on se sent obligé de l'exhiber par le biais d'objets de marque et pas toujours de qualité, mais tout le monde le sait, un sac à main Louis Vuitton moche et mal cousu vaut toujours mieux qu'un sac de petite marque joli et de bonne couture, après tout, c'est tendance, et ça permet d'épater ses voisines qui bien sûr vont ensuite la critiquer de dos. Bref, pour madame Akizuko, la vie est belle, pour la nourrice aussi car chez elle l'argent tombe à flot grâce au petit Yuri Shou. Le train-train quotidien changea avec l'anniversaire du garçonnet qui atteignit sa deuxième année et avec la capacité de parler à peu près correctement ainsi que de marcher sans avoir cette démarche de canard. Cette nouvelle année signa pour lui le début de son éducation et pour cela, le retour à Tokyo de ses parents pour qu'il puisse se développer dans un environnement plus propice à sa bonne croissance que la petite île à la botte du Japon, signant ainsi la perte de la poule au oeufs d'or pour la nounou.

Une fois arrivée à la capitale, Kamiko Akizuko daigna prendre en charge elle-même l'éducation de son mignon garçon. Elle ne prit pas la peine de l'envoyer à l'école lorsqu'il eut l'âge d'y être, mais pour lui, elle engagea toute une équipe de professeurs des plus compétents et renommés, pour lui apprendre tout et n'importe quoi allant de l'ikebana aux mathématiques en passant par l'origami ou encore la cuisine ou l'anglais : son fils devait tout connaître. Elle se réserva tout de même le droit de lui enseigner les bonnes manières ainsi que les régles de vie en société. Et le jeune Yuri Shou dans tout ça ? Et bien, il se pliait gentillement aux désirs de sa maman de faire de lui l'homme à tout faire à son âge. Avait-il réellement le choix ? Pas tellement. Être le fils d'une famille aussi riche n'est pas de tout repos, c'est le moins qu'on puisse dire. Bien sûr, il ne s'en plaignait pas, surtout que l'on cédait au moindre de ses innombrables caprices d'enfant gâté par la vie, la nature et la famille.

Son enfance n'était pas vraiment intéressante. Après tout, il n'était un gamin rendu capricieux par l'abondance d'argent de ses parents qui souriait de le voir si appâté par les sous, c'était bon signe, et ce serait un bon moyen de le convaincre à reprendre l'entreprise familliale. Bien sûr pas à le persuader vu qu'après être passé par le moule-à-forger-les-héritiers, ce serait une évidence pour Yuri Shou de continuer le travail de son tendre et si présent papa adoré, chose au passage et dont vous vous doutez bien, qui n'arrivera jamais, sinon que ferait Yuri Shou ici ?

Faisons une avance rapide et retrouvons un Yuri Shou âgé de treize ans. C'est donc un petit garçon bien éduqué, qui a tout ce qu'il veut, qui sait plus de choses de beaucoup d'enfants de son âge grâce à ses précepteurs mais n'a jamais vu le vrai monde, qui est bien habillé, et qui bien sûr ne fréquente que des gens de la haute société soignement choisi par sa mère. Il n'a aucun problème, sauf cette envie de sortir de l'immense demeure qu'il habite. Tout oisillon en cage cherche à s'envoler, c'est bien connu, c'est d'ailleurs pour ça qu'ils sont enfermés, pour éviter qu'ils ne faussent compagnie à leur maître. Et bien avec Yuri Shou, c'était la même chose. Oh, bien sûr il sortait ! Dans le jardin, ou encore chez ses amis, qui habitaient sur le trottoir d'en face, dans des maisons tout aussi démesurées, et bien évidemment, il y allait accompagné, ce serait bête qu'il se perde en chemin non ? Bref, vous devez quand même vous en doutez, Yuri Shou réussit quand même à s'enfuir. Ce fut d'une manière simple et plutôt décevante. Il lui suffit de s'éclipser discrètement alors que sa chère mère qui l'accompagnait chez un certain Rei Ichi - enfant de son âge et qui comme l'indiquait son prénom, était non seulement l'aîné de sa famille, mais aussi et par conséquent l'héritier, donc un bon contact pour l'avenir - s'était arrêté pour discuter avec madame Kimimaru, la dame vieille et acerbe qui habitait au bout de la rue. Ah l'appel du commérage ! Yuri Shou dût le bénir plusieurs fois ce jour-là car sinon il n'aurait jamais pu de cette manière peu élégante pour une personne de son rang.

Récapitulons, Yuri Shou se balade dans la rue, ignorant tout de ses dangers car personne ne l'a jamais mis en garde après tout, à quoi cela aurait-il servi pour un animal domestique ? Donc, le garçon est fier de son exploit, mais plus pour longtemps car bien sûr il est perdu et ne peut plus rentrer dans son nid douillet, surtout que la nuit tombe. Bien sûr il s'inquiète de voir ces gens mal habillé qui le fixent étrangement, mais de toute façon, ils n'oseraient rien lui faire : il est quand même le fils du grand Masato Akizuko, qui le toucherait aurait affaire avec lui. Piètre moyen de se rassurer lorsqu'on sait que le monsieur en question ne sait même pas où se trouve son fils en ce moment même. Bref, fatigué d'avoir tant marché, l'enfant s'assit sur le péron d'une boutique avec une légère moue de dégoût - c'est sûr qu'il y a une sacrée différence entre le confort proposé par un morceau de pierre et celui d'un fauteuil rembourré - dont il fut rapidement chassé parce qu'il bloquait le passage. Alors, le petit fugueur partit sans demander son reste, se fondant dans la foule omniprésente dans les rues de la capitale. Il heurta une personne et s'excusa rapidement avant de repartir de suite sans se retourner.

Le lendemain, il se réveilla dans un lit. Il crut d'abord que c'était le sien, mais le manque de peluche et la taille de la pièce dans laquelle il se trouvait le démentit de suite, tout comme la couche en elle-même, moins moelleuse et confortable que la sienne. Mais où était-il ? Bonne question auquelle il n'avait absolument aucune réponse. Un éclairsissement lui fut alors apporté. Un garçon ou plutôt un jeune homme, largement plus âgé que lui - d'au moins quatre ou cinq ans - apparut dans l'encadrement de la porte. La moitié de son crâne était presque entièrement rasée, dévoilant un tatouage, un simple XXX. Quant à l'autre partie de sa tête, elle était recouverte une très longue chevelure noire mêlée de mèches oranges. Le dessous de ses yeux étaient soulignés d'un trait rose qui se prolongeait un peu, et son labret droit décoré un piercing. Quant à ses habits, un jean déchiré et un simple tee-shirt blanc sans manche qui dévoilait sans ventre. Pas le genre de personne fréquentable d'après ses parents, de toute façon, il n'aurait jamais pu approcher Yuri Shou dans des circonstances normales. Celui-ci se recroquevilla dans les draps, inquiet, il ne se souvenait pas avoir suivi l'étranger et encore moins l'avoir rencontré.
« - Tiens, le prince au bois dormant s'est enfin réveillé ! Le garçonnet ne répondit pas alors l'autre repris un sourire aux lèvres, Tu as perdu ta langue, je t'ai tant épuisé que ça cette nuit ? Son visage devient rouge cramoisi lorsque l'enfant de bonne famille compris le sous-entendu. Cela voulait donc dire qu'il l'avait fais avec quelqu'un qu'il n'aimait pas, dont il ignorait jusqu'au nom, et surtout, un homme. C'était bien loin de ce qu'il avait imaginé, surtout qu'il n'aurait jamais pensé être dépuceler aussi tôt. Il y réfléchit plus longement, finalement, ça ne le heurtait pas tant que ça, le plus frustant était sans aucun doute son absence de souvenir, il marmona :
- Peut-être, je n'en ai aucun souvenir. Et toi, qui es-tu ? A sa grande surprise l'autre éclata de rire.
- Normal que tu ne t'en souviennes pas, bourré comme tu l'étais. Je m'appelle Oshini.
- C'est glauque comme nom ça...
- Ce n'est qu'un pseudonyme pas mon vrai nom. Celui là, tu ne le sauras pas. J'te fais pas assez confiance pour ça, Au moins, ça avait le mérite d'être franc. Par politesse, Yuri Shou n'insista pas et se contenta d'hocher la tête en parcourant la pièce du regard. Plutôt petite, les volets fermés la plongeait dans la pénombre ce qui l'empêchait de distinguer ce qu'il y avait dedans passé la limite du halo de lumière amenée par l'ouverture de la porte. Oshini prit de nouveau la parole : Et toi, qui es tu ?
- Yuri Shou. » Il ne prit pas la peine d'en dire plus : il n'avait pas envie de s'attirer des problèmes, il fallait rester prudent.

L'adolescent regarda le lycée avant de se détourner pour reprendre sa route. Il n'en faisait pas partie, et n'avait aucune envie d'y entrer bien qu'il en avait l'âge. Pour lui, ce n'était qu'une perte de temps, surtout lorsqu'on avait la possibilité de suivre des cours par correspondance, c'était tellement, et puis cela lui laissait un grand temps libre qu'il passait seul, sauf bien sûr le soir, lorsque qu'Oshini était là, auquel cas, leur nuit était ce qu'il y avait de plus mouvementée. Yuri Shou l'aimait-il ? Il était incapable de répondre à la question. Par amitié bien sûr, mais il n'éprouvait envers l'autre qu'une sorte de mélange de reconnaissance, d'admiration ainsi que d'attirance physique bien sûr. Entre eux, ce n'était que du sexe, ni plus, ni moins. Cinq ans qu'ils vivaient ensemble et ça avait toujours été comme ça. C'était sûrement pour ça qu'ils s'entendaient si bien, ils étaient aussi proches que deux personnes pouvaient l'être sans pour autant être encombrer des liens de l'amour. Cinq ans qu'il n'avait pas revu ses parents, et il n'en était pas affecté plus que ça, sauf peut-être la perte de toute une fortune.

Le temps passe, d'abord des jours, puis des semaines et des mois, et enfin des années. Que peut-on dire de la vie de Yuri Shou ? Elle est comme celle de monsieur x, ponctuée de tracas quotidien comme finir les commandes de ses clients à temps, payer le loyer qu'il se partage à présent avec Oshini, se satisfaire, construire son bonheur. Bref, elle est pour lui tout à fait à sa convenance, il a ce qu'il souhaite, un boulot qu'il aime et une personne au moins sur qui compter, celle grâce à qui il est entré dans la famille.